Sur le Cabinet d'Histoire Naturelle du Jardin des Plantes de Paris
Il s'en faut de beaucoup que l'ordre dont je viens de faire l'exposition, comme
étant essentiel à un cabinet d'histoire naturelle institué pour l'utilité des
sciences, ait jamais été établi dans celui du Jardin des plantes. A la vérité,
tous les individus qui composent la riche collection de ce cabinet y sont
distingués par règnes, dans des salles particulières, de manière que la première
salle en entrant comprend ce qui appartient au règne végétal ; la seconde
renferme des minéraux : la troisième et la quatrième contiennent tout ce qui
fait partie du règne animal. Mais, dans chaque règne, les êtres ne sont point
classés systématiquement, comme il importe qu'ils le soient. Les genres n'y sont
point distingués les uns des autres, et les espèces souvent dénommées
empiriquement ou désignées vaguement sous des noms français vulgaires, n'y sont
point déterminées ni indiquées sous les noms reçus des Naturalistes.
Or, il est évident que quiconque se proposerait de tirer quelque secours de ce
cabinet public, pour son instruction, perdrait d'abord un temps considérable à
découvrir quels sont les vrais noms génériques et spécifiques qu'il faut
rapporter aux individus de la collection de ce cabinet, et que ce ne pourrait
être que par des recherches et des travaux d'une grande étendue qu'il
parviendrait à distinguer les objets de cette collection, qui sont tout-à-fait
nouveaux pour le public, de ceux que l'on trouve mentionnés, décrits ou figurés
dans les ouvrages des Naturalistes. Mais ces travaux et ces recherches à faire
ne sont pas même à la disposition de ceux qui voudraient s'en occuper. En effet,
les objets dont il s'agit, tous enfermés dans des armoires vitrées qu'on n'ouvre
point au public, ne peuvent être examinés ni étudiés par ceux qui, travaillant
sur l'histoire naturelle, se livrent partout aux recherches et aux observations
qu'il leur importe de suivre. Aussi ce même cabinet est-il visité deux fois
chaque semaine par des promeneurs et des gens désœuvrés qui n'y viennent jamais
chercher de l'instruction et des connoissances, mais seulement de l'amusement et
de la dissipation ; tandis que rebutés par des difficultés sans nombre, les
Naturalistes occupés de recherches propres à étendre les connaissances utiles,
n'y viennent presque jamais puiser les connaissances qu'ils pourraient en
obtenir.
|